REQUIEM (extraits)
Tant que tu peux revenir, tu n’as pas vraiment fait le
voyage.
Si tout est rêve, la mort l’est aussi. A moins qu’elle ne
soit le reveil.
On n’est peut-être pas plus reellement mort, dans la
mort, qu’on n’est, dans la vie, reellement vivant.
Il faut effacer la vie de temps en temps. C’est pour
cela qu’il y a la nuit, le sommeil.
La vie passe lente, dans l’arbre d’automne. Vie heu-
reuse, languide, apaisee. Se preparant au long som-
meil.
La mort, quand elle œuvre, est-elle dans l’être ou
dans le neant?
Il faut que le corps se repose. Que l’esprit se repose.
Et le cœur. Que l’amour se repose.
Mort : la dernière et suprême fatigue, insurmontable,
insurmontee.
Quand viendra la mort, il n’y faudra plus penser,
pour qu’elle soit la mort.
Il faudra ne plus penser.
Je vis encore… Tremblement heureux dans cet
” encore “. Mais je ne vis plus en effet qu’encore. Est-ce
vivre encore?
Dans la mort, je reposerai en moi, ne reposerai
qu’en moi. C’est pourquoi il importe, dès que vivant,
d’être à soi-même son repos.
C’est la sortie de ce monde qui est arrachement, ago-
nie. L’entree dans le neant ne peut qu’être inappa-
rente et douce.
Peut-être la mort est-elle inconsolable d’être la mort?
Nul ne pourra jamais dire si c’est la vie ou la mort qui
a le dernier mot. Peut-être qu’aucune des deux ne l’a?
Au moment de la mort, la vie n’est plus que ce
qu’elle est : de peu de poids.
Entre la rose et toi, il y a le vide de la rose et de toi.
Poussees par le vent loin de l’arbre, les feuilles tombees
de l’erable s’enhardissent jusqu’à la porte. Certaines
entrent même dans la maison, visiteuses humiliees.
Les racines sont l’arbre à l’envers, dans la nuit.