Українська та зарубіжна поезія

Вірші на українській мові






DAHUT (extraits)

Parce qu’ils n’ont pas compris que la vie est ce lourd
sac de cailloux à faire passer de l’autre côte de la mon-
tagne,
parce qu’ils n’ont pas compris que la vie est le com-
bat du blaireau dans l’argile compacte,
parce qu’ils n’ont pas compris que la vie n’est pas
l’economie des sens et des actes en pays tempere,
ils gagnent à mourir. J’ouvrirai les vannes comme on
s’ouvre les veines,
hommes, femmes et enfants imploreront le vent
d’Est et renieront les dieux,
en vain, Is disparaîtra, la cite des murailles ne sera
qu’un lavoir rempli d’eau savonneuse.
De toutes les creatures d’Is, je prefère les insectes.
A plat ventre sur la terrasse je les observe en plissant
les yeux,
et je les decoupe finement de mes ongles ovales. Il y
a les anneaux de l’abdomen, les antennes, les mandi-
bules, les yeux à facettes,
et il y a le sexe,
epine minuscule à peine detectable.
Je prefère les insectes à cause de leur sexe, non pas
cette fleur flasque, cette longue chose emodve,
ce ridicule legume entre les jambes,
mais la brièvete indispensable à la conduite du
temps, à la conquête de l’espace.
Je prefère l’insecte au sexe bref qui va droit à l’es-
sendel.

L’ocean se hausse millimètre par millimètre, pressant
de l’epaule et de la cuisse le diaphragme des ecluses,
j’observe la place, le ciel, les terres vagues, les cor-
beaux et les mouettes qui se querellent pour un mor-
ceau de pain,
et j’imagine la brèche, le coup d’eau par la dechi-
rure, le degueulis verdâtre effaçant toute peine et toute
illusion.
Is est une cuve où grandit une couvee dejeunes gens
splendides,
une cuve tenaillee par l’ocean congesdonne et les
champs de silence.
J’observe la complicite superficielle de l’eau et du
vent et j’entonne à mi-voix le chant des profondeurs,
moi, Dahut la debauchee, qui la nuit venue bois mes
amants comme on boit l’eau de la mer.

On me traite de fille publique, et les vertueux citoyens
le soir
à travers les murs de leur vertu m’ecoutent gemir de
plaisir, et quelques femmes en preparant la soupe
parlent de me raser la tête.
Ils ne savent pas que le long des cours d’eau, bardes
de fer et prêchant la loi, s’approchent les envahisseurs.
Je vois le peuple d’Is uni à leur loi, et comme un
bouillon d’etourneaux ravageurs
je vois s’abattre sur mon pays langue, tribunaux,
impôts, religion, bigoterie, bêdse, reniement de soi,
je vois l’île des Druides livree aux pirates et aux
pillards, je vois les fenêtres de la mer voler en eclats!
Preferant le soleil de la mort subite à l’abjecdon de la
mort lente,
j’attaquerai les portes à coups de hache, je decide de
notre suicide collectif.

Je les ai decortiques de la bouche et n’ai rien trouve,
pas même le silence,
je me suis accouplee à tous les hommes et n’ai trouve
que tiedeur et degoût.
Seule la mer, la mer mobile au souffle de bête arrê-
tee
arrête mes desirs,
l’eau verte aux muscles lisses
qui dresse les seins et polit le clitoris.
Mon amour n’est pas contre nature,
mon amour degoutte d’un lait frais au sortir du bain,
et sur le sable, au pied des collines qui traînent bas
sur la mer,
je celèbre la combustion lente de l’eau et du feu.

Il n’y a ni hiver ni ete à Is. La folie des enfants les
soirs de tempête
les pousse à hurler des hymnes et des chants obscènes
sur le môle deserte par les goelands et les phoques.
J’aime les enfants d’Is, assis sur les pieux qui ceintu-
rent la ville,
qui se battent à coups de bâton et rient aux larmes
en se lançant des boules de crottin.
Ainsi, de tempête en tempête et en soleil vert, nous
nous acheminons vers le sacrifice.
Quand je promène les visiteurs, attires par les mille
glaives des eglises,
ils ne comprennent pas que cette ville dans le trem-
blement de l’eau
n’existe pas.

1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (1 votes, average: 5,00 out of 5)

DAHUT (extraits) - PAOL KEINEG