Українська та зарубіжна поезія

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TOMBEAU DE MONSIEUR ARAGON (extraits)

1
Écriture rends-nous la memoire avant que
L’oubli n’enfouisse nos songes comme dans
Un jardin abandonne le tohu-bohu
Des lilas et des herbes mouillees où se bousculent
Des odeurs je pense à toi ami maintenant
Que la rumeur t’a enseveli je
Me retrouve seul dans l’attente des roses
Que tu aimais egorger avec des ciseaux
D’argent O comme le temps me manque au milieu
De la vie comme au bord d’une tombe à qui
Parle-je donc devant ce miroir brise 0
J’ai avale les ombres et leurs flammes de cendre
J’appelle au secours les morts me repondent comme
En echo et les vivants ne m’entendent pas
Charognards regardez j’ai un trou dans le cœur
Une etoile y est tombee un soir de Noël
Creusant un cratère où le feu a la couleur
Du sang.

II
C’etait dans la nuit du vingt et trois au vingt et
Quatre en decembre avant que le jour ne se rende
A la tenèbre dans la chambre aux volets clos
Depuis combien de jours obsdne gardais-tu
Les yeux fermes semblait-il sourd à nos paroles
Des femmes te veillaient attentives et douces à
Tes lèvres un jeune homme presqu’un enfant encor
Tout l’après-midi avait cherche sur ton corps
Des veines enfouies comme des violettes
Dans un miroir où l’ombre flamboie le cœur
À ton poignet ne tresse plus de collier
O vagues comme des perles une à une chues
Et ma main dans ta main je t’appelle et ma bouche
Contre ton oreille je veux te retenir
Ne t’en va pas ne t’en va pas reviens vers nous
Égares comme des enfants dans la forêt
Des ombres aiguisees comme des couteaux
O père à qui toute parole est refusee
Quel roc dans ta gorge redent le souffle qui
Porte les mots quel enchantement nous derobe
A ta vue dejà les jambes bleuissent et
Le ventre alors elles se sont penchees vers
Toi dans la clarte des lampes baissees mais
Rien n’y faisait pas même la tendre prière
De chasser l’intrus dans ta poitrine et tes vains
Efforts ponctues par les sourcils comme des
Virgules c’est la fin murmura-t-elle en se
Retirant alors je me suis agenouille
Comme le passeur je t’ai pris par la main et
Je me suis nomme ami et nous ne savions
Plus à quelle rive tu nous attendais ni
S’il fallait encore esperer te rejoindre et
Nous nous regardâmes sans oser nommer ce
La qui allait venir Ô j’ai dans les yeux soudain
Lorsque je me retournai cette suspension
De la respiration ce halètement
Interrompu le silence enfin de l’eclair
Et l’attente de la foudre qui allait te
Rendre à tes habits d’opera O mon ami
Farouche te voilà terrasse et son pied
Sur ta bouche elle te brise arrache la langue
Libère les vents turbulents qui t’habitaient
Alors la terreur nous jeta contre le mur
Et tremblant j’ai entendu ce courant d’air rompre
Tes os t’abattre par deux fois comme un volcan
Crache les haleines de feu qui obscurcissent
Le soleil et les pestilences qui dorment dans
Le ventre des nuages par deux fois j’ai vu
L’antre de la mort se refermer sur ta gorge
Aux battements d’oiseau blesse mordue.

III
Alors elles t’habillèrent en grande hâte et
Je ne te voyais plus miroir eclate corps
Livre à la charogne dont les plaies suintaient
Comme un mur de salpêtre après la chute des
Astres sur ta peau marques comme au bagnard
La lettre rougie cratère où le
Sang sèche à la commissure des lèvres O
Voici la longue patience de la nuit
Les draps defaits du ciel et le desordre des
Étoiles renversees comme un jeu de quilles
Les tiroirs eventres et les livres ouverts les
Chasseurs de tresor et les pilleurs d’epaves O
Comme le temps me manque pour vaincre l’oubli
Maintenant que dans mes mains le feu s’eteint im
Mobile

IV
Et comme elles s’affairaient autour de toi je
Fermai la porte de la chambre derrière elles
J’entrai dans la cuisine je m’assis je me
Levai je bus je marchai dans l’appartement
Il soufflait dans ma gorge un grand vent de sable et
Je hâtais le pas traversant les pièces puis
Elles m’appelèrent à voix basse O te voici
Pare de noir et de blanc le cou offert à
La signature d’une cravate que je
Nouai O comme tu es calme et beau dans le
Silence du sommeil et comme ta peau est
Douce O vase pourquoi craignais-je alors de te
Briser O cygne aux ailes couchees sur
Les draps comme des nuees O corps decoupe
Dans l’ombre comme je t’appelais tu ne me
Repondis pas comme je baisais tes lèvres O
Tu ne tressaillis point miroir de suie où les
Larmes comme des corbeaux sur le ciel d’hiver
S’effacent.

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TOMBEAU DE MONSIEUR ARAGON (extraits) - JEAN RISTAT