VUKOVAR
Pour Jean-Claude Renard
En sentinelle avec tes griefs, tes chevaux endormis,
Ton corps maigre sous la tenue reglementaire,
La plaine à tes yeux devient indicible ;
Un monstrueux terrain de chasse obscur, inopportun ;
Pauvre exile ayant perdu ses legendes et l’espoir de fuir
Ce paysage de lacs et de pièges ;
Tu n’es plus
Qu’un pantin revêtu des couleurs militaires, avec le
casque
Et le fusil, qui demeure selon l’humeur du temps
Aussi droit que possible, cherchant dans l’obscurite
Celui qui viendra te trancher la gorge, jeune homme
Comme toi mais plus vif et couvert de boue.
Avant la mort tu songes aux femmes qui pleureront,
Qui oublieront après cinq semaines sacrificielles
Le nom de ton père qui mourut sous la neige
Montenegrine, et le tien ; tu porteras
Un grand nombre de coups pour defendre Vukovar
Avant de rejoindre cet exil où abondent les merveilles,
Mais nulle jeune fille pour repondre au chant de la fau-
vette.