LES GISANTS
Faste feodal des gisants incarnes dans la pierre
– couche portee par la paumee pierreuse de la terre.
Ni tombeau ni alcôve à derober la chair – mais ce lit
de parade et cette indmite hautaine,
et ces deux liturgistes de l’eloge de la mort – par
l’allegeance du corps à figuration glorieuse.
Onciale de la mort à ce texte royal – et Dieu recrit
sa loi sur deux tables de pierre façonnee.
La croix de bois descendait l’ombre au front ple-
beien – mais les gisants prennent seuls les stigmates de
la lumière.
Le sang viril de la pierre est puissance de duree – car
la terre fait de ses douleurs des pierres,
elle les chasse en montagnes apointies de regards –
elle les projette en hauteur couvee par les vents.
Voici la chair dans sa noblesse de pierre blanche
– comme la neige dans son intention de lumière,
et comme un pays tout entier simplifie par la neige
– voici la chair dans le bliaut etroit de sa purete ;
la chair dans l’audace de la foi maçonnee – pour le
jointoyage de l’âme et du corps ;
la chair dans le clair scandale de la recouvrance –
comme l’enfance reformant la mort par sa jeune incre-
dulite.
Affleurement et faste de la face au-dessus des limons –
par cette pierre qui a surmonte la terre et franchi les
bras de l’eau.
Les gisants prendront l’âge fidèle de la pierre – et
porteront l’amour plus âge que la lumière ;
ils sont la blancheur d’avril inseree dans la sève de
l’hiver – ils sont l’arbre etage de songes par le silence
des oiseaux.
C’est par le poids des morts que la terre resiste à
l’astre – c’est par cette pesee qu’elle ne fuit pas par le
haut comme la mer ;
par cet orgueil pâle du corps dans sa montrance –
par ces gisants aux yeux affouillant le ciel,
la pierre n’a plus de pacte avec les tombeaux – mais
avec la seule main qui la basculera dans le soleil.