La cecite des larmes est la plus profonde
La cecite des larmes est la plus profonde
ces yeux dans les yeux qui en calme tumulte ne
fixent que l’amour et la mort.
Christ, nuit d’Orphee, syllabe arrêtee du chant
d’adieu, hier y ressuscitait dans le remords Eurydice ;
où maintenant est-il? Je tourne et tourne en vain
dans de rondes tenèbres. Où sont sa croix, ailes clouees
du Verbe, et mon reniement
qui l’avait plantee? Je ne sais.
Deferlement d’eau longue : la memoire ne s’oriente
plus et s’aveugle.
Qu’aije ete, qu’ai-je desire, quelle est cette ombre
un matin venue avec l’aube m’aborder pour me
rendre si seul?
Deferlement, deferlement d’eau longue ; j’y ai perdu
jusqu’au toucher, je ne peux même plus en suivre le
contour.
Ni ombre peut-être ni personne : seulement un des-
sin de mon souffle
sur une vitre tachee, ma jeunesse.
Chacun du sel de ses larmes secrète peu à peu luci-
dement sa tombe.
Où se dresse la mienne et quelle est-elle
au bout de quel sentier du vent?
Je me souviens à peine, comme au fond d’une autre
vie, d’effluves tendres
qui me guidaient vers ma fin, me bâtissaient ma pri-
son à la fois d’immobilite et d’audace
et de lendemain.
Comme au fond des sargasses d’une autre vie. Comme
aux marches d’une eternite que je ne gravirai qu’à recu-
lons
condamne à ne jamais montrer mon visage aux
etoiles de remission.