EVE LUCIFUGE
Elle est massivement presente
Elle est la plus vivante et la plus noire
Au milieu de cette foule consumee
Entre tous ces hommes pauvrement recueillis
Ces femmes sauvages ces enfants mornes
Unis à l’ombre d’un theâtre froid
Où ils sont venus voir d’autres hommes
Mourir
D’autres femmes d’autres enfants
Mourir encore.
Ses cheveux ont l’eclat de la peau
Ses yeux brillent comme des scarabees
Ses genoux remuent une lave elementaire
Qui roule sur la peluche cramoisie
L’or eteint les taches de charbon
Le crin bestial jailli hors du fauteuil
Au contact habituel de ses jambes.
Elle sait bien que la salive d’un ver
Gaine jusqu’en haut ses cuisses nues
Et son manteau de faux leopard
Exhale une atmosphère de bouc
Où dansent aussi des mouches roses
Comme à l’entour de la digitale pourpre
Veneneuse et seule entre les simples de la forêt.
Sa croupe est trop large pour une femelle de
l’homme
Quel bras pourrait la ceindre
Quel poing pourrait l’abattre
A quel jeu la plier
Par quel ressort de gomme
Sur quel velours grinçant quelle fourrure musquee
Devant quel miroir blême?
Quels mots l’apprêteraient enfin aux boues de
l’homme?
Riant elle s’emeut d’une sueur chevaline
Qui devore de feux sa tunique en viscose
Et son rire est un trophee de boucherie.
Nourrie de cendre elle se sait Carnivore
L’obscur l’epanouit.