IN TENEBRIS
À Arthur Louriê.
Quand la musique de mes yeux se sera tue
quand mon Ombre descellera le jour de pierre
quand mes mains ne feront plus obstacle aux nuees
quand mon oreille aura son lit parmi les astres
quand les deux oublies ma bouche ensableront
Alors l’amère lassitude du neant
ayant quitte ce corps qu’elle avait fait pesant
et Un jusqu’à l’inanition, après des âges
d’usure contre dieu absent et de desir
de froids et resistants mouvements vers l’absurde
centre vertigineux de la douleur ignee,
ce corps qui gravitait satellite des morts
dans l’orbe rigoureux trace en pure gloire
par Rien, et qui jamais ne fut ecrit en rien
Alors la lassitude illustre d’être un moi
– appareil de somptuaire ennui et de limites
mecanisant de l’œil et du geste le Ciel –
s’evanouira dans l’aube tendre de son vide
qui l’enveloppe et la penètre et la soutient.
Car tout est vu de l’interieur par son absence
tout prend en se niant sa forme la plus nue
qui seule comprend dieu. Ce monde que je fus
avare, sans un vent de fraîcheur, sans un arbre
ce poids en dieu de la detresse de mes morts
jamais il n’inclina vers lui les douces larmes
jamais il ne defigura le front du ciel
Jamais : O nom terriblement muet du monde
que je fus qui ne fut jamais car Je est mort.
Mais que reprenne la musique d’autres yeux
qu’une autre Ombre voilee de jour mûrisse l’aube
que d’autres mains jouent de la laine des nuees
qu’une autre ouïe s’eveille au chant de nouveaux
astres
que d’autres lèvres soient humectees de deux marins