SUR LE PAS
Rien ne distingue la route
des accidents de ce ciel.
Nous allons sur la paille molle et froide de ce ciel, à
peine plus froide que nous, par grandes brassees,
comme un feu rompu dont il faut franchir le genou,
qui s’eclipse.
Je tiens deux mains chaudes, deux mains de paille. Un
front de paille avance près de moi dans le champ obscur,
sous ce genou blanc. Entre mes membres
et ma voix,
le sol, avant le matin.
L’horizon est proche du seuil de la pièce où je suis
perdu.
L’air sur lequel s’ouvrent mes yeux
est encore l’air du jour.
Le lent travail du metal des faux à travers les pierres.
La terre houleuse fulmine.
Une nouvelle clarte, plus forte, nous prend les mains.
L’espace, entre nous, s’agrandit comme si le ciel, où le
double visage s’embue, reculait demesurement.
Je vis de ce que l’air delaisse, et dont je demêle à peine
ce regard qui finit de s’epuiser dans la terre froide au
goût de brûle.
La clarte n’atteint pas le jour.
L’eau ne la fait pas
siffler.
Je regarde l’air anime comme si, avant l’horizon lisse,
j’etais embarrasse de cette etendue que j’embrasse.
Sur le sol à nouveau retourne, où le jour en suspens
s’abreuve à notre pas,
fixe, dans sa blanche indecision.
Comme le vêtement de ce glacier que l’usure couvre de
son givre.
La paroi,
au devant, qui, si possible, se fait
plus proche, bien que nos pieds soient libres
de la poussière qui aneantit comme du sol froid. Je sais
encore, sur ce foyer pietine et froid qui se separe lente-
ment de son feu, que derrière moi l’oreille brûlante du
soleil me suit, sans même relever la tête vers le champ
rose, avant que la nuit roule et nous ait aneantis.
Comme une goutte d’eau en suspens, avant que la terre
se dilue.
Je vois la terre aride.
Je reviens,
sans être sorti,
du fond des terres
à ces confins,
à l’heure où le jour brûle encore sur les
bords, ou y fait courir un cordon de feu.
Mais la paroi blanche,
doree,
glacee
par la lumière qui la rehausse et y fait courir de faibles
montagnes.
L’air dans lequel je me dissipe.
Même lorsque le cadre terrestre est dans le feu, que
l’evidence se dissipe sur ce dos excorie, comme le pas
sur le cadre des routes,
plus qu’il ne fuit.
Devant cette paroi qui s’ouvre, front traverse par le
vent qui devance le visage et s’approfondit, un arbre
comme un mur sans fenêtre,
à côte de la route basse
et froide qu’il regagne,
comme une porte dejà ouverte.
Elle,
l’eclat,
la tête imperieuse du jour.
À l’instant où le feu communique à l’air
s’efface, où la blancheur du jour gagne, sans soleil.
Le champ dont nous separe ce jour,
ce talus.
Cheminant vers le mur inaltere devant lequel j’ai tou-
jours fait demi-tour, j’avance lentement dans l’air pour
atteindre à l’immobilite de l’autre mur.
L’air qui s’empare des lointains nous laisse vivants
derrière lui.