LÉGENDAIRE
Dors ma petite fille
tandis que des couteaux ensemencent d’argent
l’horizon qu’ils meurtrissent
c’est dans si longtemps qu’il faudra mourir
la vie descend vers la mer de son sable insensible
Dors contre mon cœur fleur de mon emoi.
Laisse-moi parler de ma vie
il est tard chez moi, ma petite aube
il faudrait une horloge folle pour sonner mes heures
un jaquemart d’enfer.
C’en est fini de la jeunesse où l’amour est sans reponse
ces mains qui chassent tes cheveux contre la douceur
du vent
ces lèvres de chanson et ce cœur qui t’apaise
sont ceux d’un homme de la honte
Laisse-moi parler de ce pays
où l’on va vêtu de fourrures
où règne un froid etrange et des gestes legendaires
Tu le vois luire comme un nord de neige grise
C’est là-bas que j’ai vecu entre le meurtre et le remords
c’est là-bas que nous irons pousses par Dieu et par le
sang
et je te recevrai parmi les autres loups comme une
louve
Dors dans le soleil et dans ta chair fragile
personne encore n’attelle le traîneau
le moujik s’enivre à l’auberge des âges
et les chevaux sont encore libres au-delà de la terre
Mais je sais que le Vieux malgre sa longue ivresse
construira la voiture de ses mains ironiques
et qu’il fera pleuvoir une pluie de lassos
sur le rêve de ces montures
Je vois dejà son ombre immense, je la connais
il vient pour toi, il prend mesure
comme pour ton leger cercueil
et fait claquer son fouet dans l’air illusoire
où naîtra l’attelage
Ton innocence peut dormir sur la blessure de mon
cœur
les lys poussent le long des mares et leur blancheur se
retrouve
sur l’eau sale devenue miroir
Helas j’ecoute dans sa prison mûrir ton sang
rien ne me retiendra de delivrer son cours
quand ta pudeur depaysee des landes
epellera les brûlures de la vie
Dors pedte aube, dans le murmure de mon chagrin
la vie est douce, la mort est loin
et les chemins vont sous les fleurs
vers un Dieu qui sourit aux prières des vierges
L’huile de la vie ne descend pas encore
consacrer ta chair d’un sacrement maudit
et je puis te ravir de legendes en poudre
plus reelles pour toi que l’histoire de demain.