Mathias
Mathias, en ce temps-là, ne semblait guère encore que differer à peine des phenomènes atmospheriques et des incertitudes errantes de la poussière. Sa vie se traînait, neurovegetative, d’un divan defonce, sous le plâtre d’une mansarde, à des servitudes utilitaires en quelque usine des environs. Dans des replis de penderie, dans les replis de la boue autour de la maison, une memoire, peut-être, une memoire à l’affût, attendant encore pour s’emparer de lui on ne sait quelles douteuses circonstances, quel caprice imprevu des forces d’inertie. La derision même de son existence, en ces lointaines epoques, ne paraissait neanmoins l’affecter outre mesure : on eût dit plutôt qu’il y voyait un peu comme la pente d’une affinite privilegiee, une pente secrète, entièrement confondue aux circonstances ineptes de sa situation, à la vie de dejà vieux jeune homme etrique qu’il menait alors auprès de ses parents, dans des senteurs de brique humide et de matelas jauni, des fumees culinaires le plus souvent de pois casse compact accompagne d’une maigrichonne côtelette de porc, une pente sans pareille pour atteindre enfin à ces etats de vautrage illimite, d’indepassable et froide jubilation lymphatique, que parfois lui laissaient sous-entendre certaines irisations du brouillard ou quelque arrière-goût de rhume de cerveau, si ce n’etait même la vieille odeur poussiereuse et douillette des couvertures de son divan.
L’air de la cuisine embaumait le pois casse, le laurier-sauce et les fuites de butagaz. Sur les marches de l’entree sans fin s’egouttaitla sempiternelle serpillière entortillee au pied d’un balai, productrice d’un petit bruit grisâtre, une quintessence infinitesimale de rumeur des vagues, et pour bercer quoi, quel immemorial desœuvrement rural referme dans la jouissance de son froid (…/…)
Memoires du mauve, Apogee