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Joachim est sans doute au fond du jardin. On ne s’oc-
cupe plus guère de lui. Si imperieux autrefois, il a fini
par accepter tant d’evenements imprevus qu’on ne lui
demande plus son avis. Jeune il semblait faire peu de cas
de ses bonheurs. Les premiers ennuis l’ont trouve impa-
vide. Puis les deceptions ont ete inavouables : il a plie
d’un air distrait.
Il ne sait plus les jours ni les heures. Assis sous le poi-
rier, près des pendoirs de raphia, il lit le livre des
hymnes. Il s’etonne, il s’emeut. Le soleil d’un soir pre-
coce pose une gaiete derisoire sur les premières feuilles
mortes et sur les dernières roses.
Sa vie il en est comme dejà depossede. On dirait qu’elle
vient de le quitter en l’eclaboussant. Mais le texte est une
herbe insolente au milieu du chemin. Les phrases chan-
tonnent comme le vent quand les ronces l’eraflent :
L’etrangete du monde met mon cœur en feu.
Certes personne ne dure longtemps.
O ce peu de jours que tu nous donnes.
On erre quelques saisons parmi les apparences
avant d’entrer dans la disparition.
Joachim lève la tête comme s’il avait entendu des
nuages se prendre dans les ramures. Et il s’aperçoit
qu’un jeune homme se tient près de lui. Alors il repète
tout haut ce qu’il vient de lire :
On erre quelques saisons parmi les apparences
avant d’entrer dans la disparition,
mais en même temps il se souvient du jour où ils
avaient arrête la charrette en forêt. Toute la famille
s’etait reposee dans l’ombre entre les taches de soleil.
N’en restait-il que ce grand jeune homme pour revenir
le voir?
Le jeune homme ne sait que dire quand il rencontre
ainsi le deuil atavique de sa race. Il esquisse un sourire
et il a sur le visage l’enluminure du couchant.