Le marcheur d’eau
Le marcheur d’eau
Il etreint le froid
Il etreint le vide
Il a peur du vide
Craint de ressembler aux joncs
Il guette le vide
Le givre avec sa tête de mouton
L’enserre et le cerne
Dure est cette angoisse
De la bête perdue
Qui etreint le froid
Qui etreint le vide
L’ecluse fermee
On y regarde l’eau dans les yeux
Étreignant le froid
Étreignant le vide
On marche dans la fêlure intime du monde
Ces soubresauts nes de la douleur primitive
Quelle est la voix qui le dira? Quel sera
ce corps qui saura mener jusqu’à son terme la
Valse triste? Une voix s’elève à l’interieur
De nous-même – voix chère – exprimant ce qui s’
Apparente à l’expression de la plainte première
Je suis cet homme-là qui, tant et tant, crut aux ver-
Tiges et qui, desormais, dans la dechirure du lan-
gage se tient, regard clair, mine toutefois, blesse
Dans la fêlure du monde où les plaies suintent
J’ai droit au repos du cheval journalier De-
sormais je ne partirai plus vers quel labeur
Et je suis ce centaure qui s’eveille et geint
Autour de lui les aveugles s’affolent craignant
Ses ruades O grand cheval qui, autrefois, tractais
vers la berge les navires, te voilà efface II ne
demeure de toi que ce signe sur cette feuille
Sont-ce tes traces dernières? Ta signature de sabot?
Ébroue-toi! Redonne-moi confiance! Plongeons en-
semble Je saurai bien te faire retrouver cette joie
enfantine que tu poursuis sur la rive noyee à demi.
Du vaste paysage autrefois immerge s’
Élève une plainte dont nul ne connaît l’origine
Exprime-t-elle ce que les hommes nomment : la
Douleur? Dit-elle ce, qu’à eux-mêmes, se cachent
Les peupliers serres comme autant de frères au-
Tour de la depouille du père Et qui geignent!
Disant l’angoisse ancestrale des pays plats
devant la montee de l’eau Ah! Tous ces arbres
Dresses à l’interieur même du fleuve Que je ne
sais pas voir mais dont je sens la solitude
Tels les grands crucifies à l’angle des plaines!
Ce n’est pas là – où paissent les moutons de sel –
que se
terrent les images perverses du monde Pas en un tel
lieu
Où le pâle soleil blanc projette mon reflet à l’avant du
cargo Babtai Là je distingue alors la silhouette ô com-
bien
Contrefaite que, desormais, les troupeaux d’eau connais-
sent
bien Ce n’est pas là! Voici plutôt l’apaisement Le renon-
cement Et ce compagnonnage avec le fleuve n’est en
rien equi-
voque J’ai marche bu des bières au filtre magique
pleure Me
Voici d’or vêtu Me retournant vers la source Lui par-
lant Évo-
quant ces guerriers qui y trempaient leurs bras afin que 1′
epee de la justice soit, pour eux, moins lourde à manier!
De
ma
maladie Je
ne
savais
rien.
Simplement 1′
effroi
qu’aux
vagues
elle
inspirait.
À toutes!
A toutes!
Journal
froisse
contre
le hublot
de
la
cabine mauve
Des-
cendre
au
plus
profond
du
corps
du
fleuve.
Où
la mer
se
noie!
Plonger!
Plonger!
Puis
retrouver
ce
monde
de si peu
de joie.